C'est le Dimanche de la Pentecôte 2010, et l'âme de Sorèze s'apprête à accompagner une centaine d'anciens élèves pour leur traditionnelle fête. Il est 8 heures du matin, je me promène dans le fond du parc et j'aperçois au loin l'Eglise cachée par le grand cèdre centenaire où dans un moment ils se retrouveront cinquante ans plus tard. Déjà la veille, le matin, une vingtaine se sont retrouvés lors de la cérémonie des Légionnaires et du repas qui s'ensuivit, puis une soixantaine le soir, lors du repas des retrouvailles à la Brasserie St Martin. Samedi 10h. La cérémonie de remise des képis blancs aux Légionnaires s'est déroulée pour la première fois dans la salle des bustes, nous rappelant la tradition militaire de notre école, lorsque les armes sont présentées alors que les nouveaux engagés deviennent légionnaires en mettant le képi blanc. Elle est suivie d'un apéritif dans la cour des rouges, puis d'un repas où résonnera la Sorézienne.
Pendant la cérémonie, en même temps que les légionnaires, nous déposons deux gerbes aux anciens décédés au combat. Mon grand oncle, Sorézien (1896-1902) dont j'ai hérité du prénom, en fait partie. Il est mort à la guerre de 1914-18 à l'âge de 26 ans et je ne peux m'empêcher de vous soumettre sa photo en souvenir de tous ces jeunes morts pour la France pendant ces guerres impitoyables.
Samedi 20h. Le repas des retrouvailles à la Brasserie restera certainement comme un des meilleurs moments de cette fête. La Brasserie est pleine, les sourires sont sur tous les visages, on se déplace de table en table, on raconte et on rit comme les adolescents que nous étions 50 ans plus tôt. La soirée est trop courte, et le cassoulet terminé, il est temps de se séparer car la journée de demain nous réserve encore des émotions.
Dimanche 10h30. Les cloches viennent de sonner l'heure de la messe, et tous les Soréziens sont en train de rentrer dans l'Eglise. Le Père Montserret est au premier rang dans son fauteuil roulant. L'Eglise s'est remplie, les Soréziens font les lectures et la quête. L'âme de Sorèze est bien là et flotte dans l'atmosphère. Les Soréziens se cherchent du regard et essayent de se reconnaitre ...
La messe terminée, nous disons une prière pour le Père Lacordaire, dont le tombeau se trouve au fond de l'Eglise et alors qu'un ancien joue la Sorézienne à l'orgue, nous sortons et nous positionnons sur l'escalier pour la photo du groupe. Dimanche 11h45. La photo se déroule dans la bonne humeur, et pour certains dans l'indiscipline, pardonnable quand on ne s'est pas vu depuis tant d'années. Dimanche 12h. Le groupe se rend alors, par le parc, à la salle des bustes où je vais pouvoir faire mon discours de bienvenue dans le temps prévu.
Après avoir remercié tous ceux qui ont participé à l'organisation, les membres du bureau, les Soréziens qui nous ont aidé et les deux Soréziennes qui se sont jointes à nous, je remercie le Père, et à travers lui, le Père Lacordaire et tous les Dominicains qui ont continué son œuvre, pour ce qu'ils ont fait pour nous et cette Ecole. Le Père a passé plus de 15 ans dans cette Ecole, dont plusieurs à la diriger, et a reçu, ce que j'ai oublié de dire, la légion d'honneur et les palmes académiques. Aujourd'hui, alors qu'il est revenu dans sa maison de retraite de Marseille, accompagné par le plus jeune des Soréziens de la journée, il nous demande de le nommer « Sorézien d'honneur » l'année prochaine, pour la Pentecôte. Peut être que ce titre aurait plus de valeur pour lui que les deux autres. J'explique ensuite l'objectif de notre réunion qui était de faire revivre, à travers des émotions fortes, le film de notre adolescence. Les retrouvailles avec les photos que chacun a amenées, l'Ecole avec ses murs et son âme, la messe, les repas pris dans nos anciens réfectoires, la fanfare et l'équitation. Je parle ensuite de nos épouses trop souvent oubliées dans ces réunions. J'en ai eu beaucoup au téléphone lors de mes recherches et j'ai beaucoup apprécié l'accueil chaleureux qu'elles m'ont apporté. Elles sont des formidables communicatrices et ont toutes un compte Internet qui m'a permis, dans beaucoup de cas, de garder le contact avec le couple. Elles se mettent à sourire quand je dis qu'elles ont toutes une très grande qualité en commun, c'est d'avoir choisi pour époux un Sorézien. Lorsque je rajoute qu'elles ont épousé un Sorézien parce qu'il est « divin, vrai, réel, beau et aimable », selon la phrase célèbre de Lacordaire, c'est au tour des Soréziens se sourire. Tout le monde se met à rire quand je dis : « Le Sorézien est beau comme un tableau d'impressionniste », tableau que l'on trouve très beau, mais dont on réalise la complexité en le regardant de près. On ne voit que de nombreuses taches et pourtant ce sont ces taches qui font l'image. De la même façon la beauté du Sorézien est le résultat de nombreuses valeurs complexes qui lui ont été inculquées. Ce sont ces valeurs qui ont fait son image et lui ont donné les fondements pour une vie d'homme. C'est à ce moment que, me sortant de mon rêve d'artiste, on me fait signe que mon temps imparti est dépassé. Je conclus en disant que : Cette réunion était spéciale parce qu'elle avait été faite avec peu de moyens, mais surtout avec beaucoup de cœur, comme on fait une réunion familiale, la réunion de la famille des Soréziens dont nous étions aujourd'hui la mémoire vivante. Nous rejoignons maintenant nos anciens réfectoires pour le repas de midi.
Dimanche 13h. Le repas se passe comme les autres, dans la bonne humeur, avec les discours du Président de l'Association, de Monsieur le Maire, et de l'un de nos doyens. Alors que le dernier discours se termine, les airs de la fanfare de l'Ecole, joués par le Coq Revelois, résonnent dans la cour des rouges et attirent tout le monde sur le parvis. Peut être le moment le plus émouvant, car les airs se succèdent, « Georgia, Saint Cyr, La fille du régiment, Les enfants de troupe ». La musique prend aux tripes, les visages changent, certains frissonnent, d'autres pleurent. Il n'y a qu'à fermer les yeux pour se voir défiler 50 ans plus tôt. La fanfare, le drapeau, le peloton, les verts, les jaunes, les bleus et les rouges ! Puis, tout le monde se regroupe à l'intérieur pour chanter la Sorézienne. Dimanche 15h30. On se rend par le couloir des tableaux vers la pelouse devant l'obélisque où va avoir lieu la reprise des Amazones. Certains s'essayent aux instruments, les plus courageux se mêlent à la fanfare et défilent.
Dimanche 16h. Les amazones rentrent en piste et évoluent sur des airs de Pavaroti.
La reprise se termine par la remise de bouquets fleuris par quatre prix d'équitation choisis parmi les huit qui se trouvaient présents à la réunion. Dimanche 17h15. Après avoir commenté la grâce des cavalières, puis présenté les prix d'équitation, j'annonce, avant de passer le micro au Président pour le discours d'Au revoir, la quatrième et dernière Sorézienne qui sera jouée par le Coq Revelois et qui clôturera la journée. Dans quelques instants, le grand parc va retrouver son calme habituel et Louis XVI contemplera, pendant encore un an, les travaux qui vont transformer l'ancien manège couvert en une grande salle de réunion de 500 personnes.
« Sorèze est une école où la religion, les lettres, les sciences, les arts, c'est-à-dire le divin, le vrai, le réel, le beau et l'aimable se partagent les heures d'un jeune homme et se disputent son cœur, afin de jeter en lui les fondements si difficiles et si complexes d'une vie d'homme » ou plus simplement : « L'image d'un tableau d'impressionniste ». Merci d'avoir tous été des participants vrais, réels, beaux et aimables.
Gaston Bergasse (1953-1961) Rappel : la préparation de la Pentecôte a pris 6 mois à plusieurs personnes, et presque à temps plein. |