Association Sorézienne

Pentecôte 1923 - 10 juin

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L'inauguration du Monument aux morts

Dès 9 heures, devant l'assistance réunie devant l'austère cellule du grand Lacordaire, M. Tapié de Céleyran, président du Conseil d'Administration de l'Ecole, remis à un élève le drapeau qui fut le point de ralliement des diverses cérémonies de la journée. Les fêtes ont commencé par la messe de Requiem, puis tous se sont dirigés vers la salle des Fêtes.
Ont pris place sur l'estrade élevée sur un des grands côtés de la salle, autour de M. Tapié de Céleyran, le président François Tresserre, l'abbé Gache, régent des études, Gaston Barthès et Henri Mouret, respectivement trésorier et secrétaire général de l'Association Sorézienne, MM. Simon, député du Tarn, l'abbé Charles, directeur, le commandant Favatier, vice-président de l'Association, etc.
La Sorézienne fut chantée par tous, avec un couplet supplémentaire de François Tresserre sur les poilus de la guerre :
Los ! aux Poilus de la suprême guerre;
Chantez, clairons, saluez leur tombeau;
Ils étaient doux comme fut Lacordaire;
Comme Marbot, ils riaient à l'assaut.
Avec leur nom, ton nom, Sorèze vole
De l'Ourcq au Rhin sur nos drapeaux vainqueurs.
Leur renommée a grandi notre Ecole;
Ah ! pour jamais gardons-lui notre coeur !
Mais le voilà, le voile qui cachait le monument tombe, la Marseillaise éclate, deux tout petits Collets verts, fiers de jouer dans cette splendide manifestation un rôle dont ils se souviendront toute leur vie, déposent une gerbe de fleurs rouges, couleur liturgique des martyrs, au pied du monument. Un portique gothique repose sur deux colonnes. Il porte au fronton les armoiries de l'Ecole et présente sur les plaques de marbre les cinquante-huit noms des Soréziens, victimes du devoir pendant la grande guerre. Le monument est béni par l'abbé Gache, puis c'est le moment des discours, de Tapié de Céleyran, de François Tresserre, de l'abbé Gache.

Nous quittons cette salle où nous avons vibré sous les plus nobles sensations, et nous nous répandons dans le parc. Là, des groupes se forment, de vieux amis se retrouvent, des élèves circulent au milieu de nous,car l'esprit sorézien veut que la discipline soit parée des atours de la liberté et l'on se rend dans la salle du banquet. Deux cents couvets sont dressés dans les salons du rez de chaussée. On se place suivant les affinités et les époques. Seule la table d'honneur est organisée d'avance. Je me rappelle qu'autour de M. Tapié de Céleyran se sont assis MM. l'abbé Gache, Tresserre, l'abbé Charles, le vicomte de Mauléon, Mouret, Bertrand Doat, de Gouttes, de Llobet, de Laprade, Abrial, le commandant Favatier, le général Delbousquet, père d'un des élèves qui figure au funèbre palmarès, Clos, maire de Sorèze, l'architecte Bonamy, l'Inspecteur général des Haras d'Heilhes, le colonel Besset, Guitard, rédacteur du Télégramme, et de Ferrand, rédacteur à L'Express du Midi. La cordialité, l'expression de la plus franche camaraderie ne se peuvent décrire et je n'aurais qu'à consigner ici les divers toasts qui ont agrémenté la fin de ce banquet si je ne croyais juste de donner un bon point à ceux qui ont exécuté ce repas qui fut parfait. Mais on ne rédige pas les sensations gastronomiques : je ne puis, pour m'acquitter, que copier le menu qui a bien aussi son éloquence.

Le menu du banquet le dimanche 10 juin
après l'inauguration du Monuments aux Morts de l'Ecole

A comparer à celui de 1899 que vous trouverez en fin de cette page.
A comparer à celui de 1926 que vous trouverez en fin de cette page.

Hors d'œuvre
Petits vol-au-vent à la Financière
Filet de boeuf aux truffes
Jambonneau glacé
Cassoulet à la Sorézienne
Asperges en branches
Poulets au cresson
Bombe napolitaine
Dessert
Madère, Bordeaux, Champagne
Café, liqueurs

Les toasts

A la fin du banquet, c'est la séance des toasts.
Celui du Commandant Favatier, de Bertrand Abrial, d'Henri Mouret, de Louis de Ferrand Puginier, journaliste, de Maurice Fabre, sergent-major cette année (que bien des générations auront comme prof d'anglais) et que nous reproduisons ci-dessous.

Toast de Maurice Fabre,
SERGENT-MAJOR
(futur professeur d'anglais à l'école)
« MESSIEURS,
« Puisque l'honneur m'échoit en ce jour, de saluer ici, au nom de la jeune École, tous nos Anciens, tous nos aînés, il convient, ne vous semble-t-il pas, que j'adresse un hommage ému, d'abord, aux grands absents, aux grands morts, à ceux surtout de 1914, à nos martyrs.
« Absents d'ailleurs, ils ne le sont pas. C'est leur mémoire qui nous réunit en ce jour. Leur présence invisible est l'égide sacrée qui nous assemble et qui nous garde... qui nous inspire.
« Et c'est plus fiers à cause d'eux, plus grands aussi par leur exemple, qu'après avoir béni leur âme, j'adresse un salut fraternel aux vivants, à vous, Messieurs, qui d'âge en âge et de génération en génération, avez fait passer jusqu'à nous, comme on transmet un flambeau, comme on se lègue une consigne, la parole immortelle et surtout la pensée, la foi, de notre grand Lacordaire, de notre Père aimé.
« Anciens, dont nous sommes jaloux, à vous nos frères aînés, qui nous montrez si dignement la route, je bois à notre vieille École, à la Famille, à la Maison. Je bois à notre avenir, à nous les jeunes, que nous tâcherons de faire aussi beau que votre passé, que votre présent... nous en renouvelons ici la promesse. Et tout en vous l'offrant, je bois à vous, Anciens, à Monsieur le Président, au Révérend Père Gache, à Monsieur le Directeur, à nos Maîtres...
« Vive notre vieille École! Vive Sorèze! »

L'après-midi

Vers 16 heures, la cloche nous ramène à la chapelle; M. l'abbé Gache élève sur nos têtes l'ostensoir d'or, tandis qu'à la tribune le choeur de l'École chante un 0 Sacrum et un Salve Regina du regretté maître Déodat de Séverac, ancien élève, et le Tantum Ergo de Winter.
Nous allons nous ranger autour de la carrière. Dix élèves nous offrent le régal d'exercices équestres et je puis avoue que je ne m'attendais pas à autant de justesse dans le maniement des chevaux, jointe à autant de souplesse et de'hardiesse. Ce carrousel fait le plus grand honneur à l'enseignement de M. le Commandant d'Arcizas, officier la la Légion d'Honneur, écuyer de l'École. J'apprécie le sang-froid à cheval chez de très jeunes cavaliers; les chevaux étaient à la fois calmes et allants. L'excellente mesure de distinguer chaque élève par une écharpe de couleur spéciale permettait à la foule très dense de suivre les concurrents dans le jeu du ruban, du panier fleuri, du tir du dard, etc. M. le Commandant d'Arcizas a reçu de hautes compétences qui assistaient au carrousel de très justes félicitations.
Une représentation de Polyeucte, de Corneille, a terminé une journée bien remplie.
Cette belle tragédie a eu les interprètes qu'elle méritait dans la personne de MM. J.-L. Teste, de l'Odéon; W. Gelhain, du Théâtre Antoine, M. Norville, de la Porte Saint-Martin; Vidalin, Duclos, Novis, MMm.. Feugère, du Théâtre Sarah-Bernardt; Mauffroy, de l'Odéon.
L'orchestre et la fanfare ont rempli les entr'actes de beaux intermèdes; la distinction des deux professeurs qui les dirigent, MM. Marfanc et Massio, sont un sûr garant qu'au point de vue artistique, l'École ne mentira pas à sa devise.
La poésie très haute que M. l'abbé Pernet, professeur de philosophie, a dite à cette soirée a été le digne couronnement de cette mémorable journée. ceux qui l'ont déjà entendue seront heureux de la lire; les autres la méditeront et éprouveronlles émotions ressenties à l'audition.

La fête de l'inauguration du Monument aux morts avait eu un prologue dans la journée du samedi 9 juin, consacrée aux solennités religieuses de la première communion et de la procession du T.S.Sacrement; elle a eu son épilogue le lundi 11, par le chant d'une messe solennelle composée par M. le professeur Massio, dans la matinée; par une séance de gymnastique sous la direction de M. le professeur Barrière, dans l'après-midi. Tous ceux qui pensent que les exercices du corps, maintenus à leur juste place dans l'éducation, sont un corollaire nécessaire de l'instruction se féliciteront de voir en quelle estime ils sont tenus à Sorèze. On les y cultivait alors que les autres établissements d'éducation paraissaient les ignorer; leur diffusion actuelle est un sujet d'émulation permanent pour ceux qui tiennent dans leurs mains les destinées de l'École. Ma tâche est remplie; ce compte rendu des fêtes est bien incomplet; il servira peut-être d'aide-mémoire à ceux qui ont pu se rendre à Sorèze le 10 juin et leur rappellera des heures certainement émouvantes.

D'HEILHES
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