Bernard Raybaud, le 11.07.2011
OBSEQUES FRANCOIS-REGIS (12.07.2011)
Très, très cher François-Régis, Très chères Monique, Karine et Stéphanie Très chère Jacqueline Très chers vous tous,
Aujourd'hui, nous sommes tous réunis en famille et entre amis pour accompagner François-Régis qui vient de nous tirer sa révérence, le plus simplement, le plus sobrement, comme toujours pour tout ce qu'il fait. Soyez certains qu'il en est ému et vous en remercie. Pour lui c'est une fête de tous nous voir réunis.
Monique, Karine et Stéphanie, vous m'avez demandé de parler de toi François-Régis, frère ô combien chéri et adoré. Je vous remercie du cadeau !... Parler de toi, François-Régis, être aussi exceptionnel que complexe, sans en faire un panégyrique, ce dont tu as horreur est une tâche vraiment ardue, à la hauteur de tes exploits alpins.
Essayons d'être concis, préservons l'immense délicatesse de tes mots et de tes sentiments.
Tu fus un exceptionnel grimpeur et alpiniste de tout premier plan. D'accord. Tout le monde le sait ou devrait le savoir. N'y revenons pas.
Tu es aussi un grand aventurier dans l'âme, depuis ta plus tendre enfance, et c'est ce qui t'a conduit à la Montagne en passant par la Spéléo (Au gouffre du Trou du Glaz, sur la Dent de Crolles, en Chartreuse, encore tout jeunot, tu participas à l'expédition qui établit le record du monde de profondeur, cela bien peu le savent), et plus tard en ski de fond, à de magistrales courses (Vasalopet entre autres) ou randonnées ácanadiennes ou jurassiques. En ski à peau de phoque, tu collectionnas sommets et voies difficiles très souvent périlleuses ; tu t'éclatais. C'était tellement beau et personnelàá L'ivresse des sommets, le vent glacial qui fouette le visage et le soleil qui réchauffe le cœur et celle incomparable de la grande camaraderie qui l'accompagne, les descentes en terrain vierge, ne laissant sur la neige pour toute signature qu'une légère trace fine et hardieà Parfois, le mauvais temps donnait à tout cela une tout autre envergure, et là, ta force de caractère, ton moral inébranlable, ton physique exceptionnel et tes dons innés confirmèrent le grand montagnard.á
En vélo, à la pêche en mer ou à la chasse, en athlétisme ou à cheval, incroyable éclectisme, partout tu fus bon !
Que tu le veuilles ou non, ton passage à l'école de Sorèze t'a profondément marqué en te mettant le pied à l'étrier dans bien de ces domaines qui devinrent tes prédilections. Et entre toutes tes prédilections, l'une se détache et perdure toujours : la camaraderie. Soixante ans après ce passage un peu forcé, tu as gardé intact tes camaraderies de l'époque ou celles qui se créèrent après. Quelle joie tu as manifestée quand il y a deux ans, tu as pu retrouver Michel Janon ûaujourd'hui lui aussi disparu- et François Montanié, ton Fafou qui aujourd'hui t'accompagne ici présent. De même et jusqu'au bout, tu es resté fidèle au grand coureur de premières Jeannot Belleville et à Jean Claude Mosca, « Choucas », tes ineffables amis montagnards et à tes anciens amis grimpeurs marseillais tels Gilbert Garrigou. Cette camaraderie eut son pendant familial : ton amour immense et inflexible pour tes frères et sœurs. Jacques, à qui tu dois ton initiation pour le moins aventureuse et comique à la Haute-Montagne, a très largement bénéficié de cette communion spirituelle qui l'a tenu en éveil jusqu'à son dernier souffle. Moi-même, je te dois tout, absolument tout, ce dont tu ne t'es pas toujours rendu compte. Notre Philippe que tu vénérais et dont la disparition, « Mort pour la France », fut pour toi une révélation philosophique. Tes sœurs Jacqueline et Anne que pour rien au monde tu n'aurais abandonnées même si leurs vies étaient très loin de la tienne. Et enfin tes parents que tu n'as jamais cessé d'aimer malgré de très profonds différents reliquats d'éducation d'un autre âge. Sorèze a eu aussi le privilège de t'apporter une immense culture qui a rencontré fort judicieusement tes dons innés de poète. Cette conjonction du rêve et de l'esthétisme ont produit tes plus belles pages, tes plus beaux poèmes, tes plus beaux tableaux. « Quel souffle intersidéral » dirait Dali que tu aimes bien et qui te l'aurait rendu s'il t'avait connu ! Tes rêvesà Tout gosse, tu n'étais que rêves, beaux rêves : la nature et les gens, tout il était beau et tout il était gentil. Plus tard tu as mis un peu de recul et parfois d'amers, mais grosso modo, ce monde est merveilleux, respectons-le, aimons-le et sus aux traitres qui s'y attaquent ! Quant à notre brillante civilisation, ce n'est que barbarisme et l'homme, le vrai, vaincra parce que Musset, Goethe, Verlaine, Villon, Prévert, St Exupéry, Samivel,... Le myosotis aura la peau plus dure que le législateur et sera toujours infiniment plus intelligent. « Le Poète a toujours raison »à Tant pis pour tes congénères s'ils ne comprennent pas ton langage florifère. N'oublions pas que dans congénère, il n'y a pas que la notion de générer!
Poète, sensibilité, tout ramène aux sentiments. Tu incarnes le sentiment, la tendresseà Sans cesse en émoi, ton cœur va forcément au devant d'écueils ; sentiments qui te torturent à l'idée que le bien que tu peux faire à l'un peut être un mal pour l'autre. Insoluble dilemme. Tourments qui te minent. Quant aux Devoirs, tu as fini par les sérier. Fichu caractère ! Pas facile pour un « estranger » d'y comprendre quelque chose. D'accord pour le Devoir d'homme devant l'humanité dans sa globalité et bien entendu le Devoir familial qui en est la base. Mais basta des Devoirs, civilités, pratiques de faux-culs justes bons à favoriser le grand banditisme politique. Tu es un pur ! Mais aussi un inadapté à notre civilisation. Et c'est toi qui a raison ! Fichu caractère !... Et heureusement, il y a la famille, les enfants et les petits enfants : là il n'y a plus de Devoirs, il n'y a qu'Amour. Et là tu donnes libre court à toutes tes qualités, et tu donnes sans attente de retour ; mais que tu l'apprécies ce retour ! Et il t'est bien rendu !
Quant à moi, ton jeune frérot, tant mieux si je t'adore et t'idéalise. Tu as marqué toute ma vie, áphare qui me montre le chemin. Tu es aussi celui qui m'a sauvé de bien des mauvais pas, au propre comme au figuré. Comme tous ici, je te remercie et te dis que je t'aime, que nous t'aimons, à la vie, à la mort. |