CONSULAT GENERAL DE FRANCE
A LONDRES

LE CONSUL GENERAL ADJOINT

Londres, le 19 décembre 2006

Cher ancien,

Souviens-toi.

Nous étions dans les années 1964, 1965, 1966, tu étais cadet ou junior.
Souviens-toi, tu n'avais pas beaucoup de poils au menton.
Souviens-toi, quand le père Malbranque -dit Bacchus- arpentait les couloirs des dortoirs et passait à proximité de ta chambre, tu l'entendais s'exclamer « c'est le printemps, la sève monte ».
Souviens-toi des filles rencontrées du côté de Las Prades, connues pour leur finesse, et insensibles à tes marivauderies : « plus je danse plus je sue, et plus je sue, plus je pue » avait lancé une jour une autochtone à un copain.
Souviens-toi que tu fantasmais sur la blouse blanche de Juliette l'infirmière, toi qui n'eus pas eu le bonheur de perdre ta vertu entre ses bras, comme l'un d'entre nous.

Bref, dans ces années-là, tu devenais un homme et pour affirmer ta virilité naissante, tu avais décidé de jouer au RUGBY.

Souviens-toi que tu as porté bien haut l'étendard des dominicains sur des terrains boueux, pourfendant les mécréants des lycées du coin. Ton entraîneur de choc était M. Tinel. Tu connaissais les consignes magiques exprimées en latin et supposées incompréhensibles à l'adversaire : « placare gambis » ou encore « ballum ratissare talonorum ».
Souviens-toi de ces matches en hiver où, si tu jouais derrière, tu attendais vainement le ballon, les doigts frigorifiés, et lorsqu'il te parvenait et que par miracle, tu ne le lâchais pas, tu recevais l'ordre de taper en touche.
Souviens-toi de notre camarade Max, qui nous distribuait les citrons à la mi-temps, massait les petits et gros bobos et prenait des photos de nous pour la postérité.
Souviens-toi que nous devons la découverte de ce sport à notre sénateur-maire préféré, Bernard Murat.
Souviens-toi qu'on enviait les plus doués (ou les plus malins) qui allaient jouer avec les juniors de Castres.

Je ne sais rien de ta carrière rugbystique, à part celle de Bernard Murat à Brive. Pour ma part, après avoir joué en réserve à Revel, j'ai joué (à un niveau modeste) dans 16 pays au fil de mes affectations, souvent dans des lieux insolites pour ce sport : Saint-Domingue (où j'ai introduit ce sport en 1972) Haïti, la Scandinavie, L'Equateur, le Pérou, Cuba ou encore le sable de Copacabana.

Peu importe ton niveau, ton surpoids pondéral, ta prothèse de la hanche, l'état de ton appareil uro-génital (de plus en plus urinaire et de moins en moins génital, que tu le veuilles ou non), l'état de tes jambes ou de ton dos (avec l'âge, les raideurs se déplacent disait Voltaire), tu es convoqué à la Pentecôte du côté du cêdre du Père Lacordaire avec les crampons.

Nous allons lancer à notre manière la coupe du monde de rugby par des retrouvailles sous forme d'un match à plaquer, à toucher, ou au pire d'un gagne-terrain si tu te dégonflais et que nous étions peu nombreux. Le masseur sera là, les citrons aussi.

Remplis le formulaire de participation (lien ci-dessous), et dis à ta femme de prendre soin de toi jusque là.

En attendant le plaisir de te revoir, je te souhaite un joyeux Noêl et une bonne année pour toi et tous les tiens.

Jean-Paul Bossuge (dit Nhune)
Sorézien 1956-1967
Dit aussi « Le cancre sympathique »